Les mémoires de Mado, un témoignage d’une émouvante authenticité

Les mémoires de Mado, un témoignage d’une émouvante authenticité

Je viens de terminer le livre de Jacqueline Madeleine, « Mado » pour les personnes qui la connaissent, livre auquel Hélène Levra a également participé en se chargeant « de ma mise en mots et en pages » du cahier de brouillon dans lequel étaient consignés tous les récits qui émaillent cette biographie. Ce livre écrit à quatre mains, m’a été présenté par Anne-Marie, propriétaire et voisine de la maison que nous habitons avec ma famille. Mes enfants étant scolarisés à l’école St Martin pour laquelle « Mado » souhaite reverser une partie du bénéfice des ventes de son livre, et ma profession de libraire aidant, Anne-Marie a eu la gentillesse hier de me prêter son exemplaire des Mémoires de Mado que j’ai lu d’une seule traite aujourd’hui dans le train. J’ai écris ce court texte ce soir dans le train qui me ramène à la maison pour remercier Mado (et Hélène) des moments que j’ai passé avec elle.

 

Un livre publié à compte dauteur

Un livre publié à compte d'auteur achevé d'imprimer en décembre 2009

Le texte qu’elles ont produit m’a beaucoup touché parce qu’il résonne d’une belle authenticité. Avec ses souvenirs de petite fille, Mado exprime aussi directement sa part d’enfance qui demeure très vivante. Le texte oscille entre les réminiscences flamboyantes des ressentis d’enfance de Mado (« Un jour j’ai cassé trois saladiers en les rangeant. Nini a repris tous mes sous pour payer l’achat de nouveaux saladiers! Toutes les larmes de mon coeur et de mon corps y sont passées et n’ont pas suffi à apaiser ma peine« ) et le recul d’une maturité qui permet de porter un regard plein d’humour sur les affres de la vie (« Je suis entrée dans la vie par une toute petite porte. Celle de l’Assistance Publique. Il était dit aussi que je voyagerai léger, car, joint à mes 2,8 kilos, mon carnet de suivi qui me tenait lieu de passeport pour un embarquement immédiat, ne comportait que quelques lignes:
Un nom: Madeleine
Un prénom: Jacqueline
Une date de naissance 26 octobre 1940 Lyon 7ème
Un numéro de matricule: 240106999000792
Une mention: Abandonnée le 9 novembre 1940
Et comme un bonheur n’arrive jamais seul, je précise que dans ma pochette surprise, il y avait aussi le numéro complémentaire. A l’époque, il était de choix: je suis une incorrigible gauchère très corrigée
« ).

Malgré les blessures subies, Mado exprime avec beaucoup de générosité, mais aussi une certaine pudeur parfois teinté d’humour (s’adressant à son lecteur, elle conclue quelques lignes avant la fin du livre: « Voilà, vous savez tout ce que vous deviez savoir« ), les épisodes marquants de sa vie d’adulte. Une vie dont l’ouverture progressive et l’affirmation de plus en plus prononcée de la personnalité de Mado offre au récit une dimension exemplaire. Malgré une faible instruction, malgré l’abandon à la naissance, malgré les privations et les mauvais traitements de l’enfance, parfois brièvement éclipsés par la gentillesse d’une commerçante ou des regards compatissants, on sent le récit plonger avec une infaillible détermination dans les ressources de son auteur. Ce mouvement de plongée incessant place dans un jeu de miroir la douleur des souvenirs et l’énergie de leur trouver des mots comme une issue qui permet à la fois de les assumer et de les partager.

A mon sens, Mado s’inscrit par ce mouvement dans une tradition immense, une tradition qui traverse toute l’humanité dans son histoire et dans toute l’étendue de ses cultures, une tradition qui donne au texte le sens de ce que Marc-Alain Ouaknin appelle une bibliothérapie. L’homme se soigne par les textes qu’il lit et ceux qu’il produit. Il s’agit de la fonction la plus noble que l’on puisse assigner à la littérature quelque soit la forme qu’elle revête: poétique ou scientifique, fictive ou témoignage.

Ce livre publié à compte d’auteur est disponible en écrivant ici.

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