Edward S. Curtis, un précurseur en retard

Edward S. Curtis, un précurseur en retard

C’est à la fin du XIXème siècle qu’Edward S. Curtis (1868-1952), en tant que photographe déjà reconnu dans sa ville de Seattle (du nom du chef amérindien Sealth), décide de photographier systématiquement les tribus indiennes dont la civilisation n’est déjà plus que l’ombre d’elle-même. Leurs territoires se réduisent irrémédiablement, et les traités signés entre les colons et les tribus sont régulièrement non-honorés. Le 29 décembre 1890, le massacre de Wounded Knee dans le Dakota achève le mouvement de résistance indienne, 200 indiens dont plusieurs dizaines de femmes et d’enfants sont tués.

En outre, les indiens sont régulièrement décimés par des maladies importés qui les terrassent (la rougeole tue durant l’hiver 1864 près de 1800 membres des tribus Piegan et Cheyennes). Les indiens sont également victimes de leur guerres intestines qui perdurent malgré leur difficulté depuis l’invasion des colons. Enfin les colons exercent une pression immense sur l’environnement des indiens, en décimant par exemple les troupeaux de bisons qui constituaient une ressource essentielle de leur civilisation. Si bien qu’au début du XXème siècle la population indienne dans son ensemble était évaluée à 250000 personnes (alors qu’aujourd’hui cette population est estimée à 2 millions).

Edward Curtis est le premier photographe-ethnographe a avoir perçu avec acuité cette situation désespérée des civilisations traditionnelles de l’Amérique du Nord. Son travail est précurseur, novateur, il arrive pourtant en retard pour témoigner de ce que furent ces civilisations amérindiennes lorsqu’elles étaient encore préserver des colons. Curtis sauve ce qui peut encore l’être, mais les dégâts sont déjà irrémédiables.

Edward S. Curtis, ethnologue et photographe des peuples amérindiens

Les ethnologues américains du début des siècle et les universitaires en général ont apparemment abordé les travaux de Curtis avec beaucoup de suspicion. Ils ont critiqué notamment sa vision romantique des tribus qu’il abordait, et lui ont reproché la mise en scène de ses photos. Curtis était en effet un autodidacte, qui est resté 6 ans à l’école avant de travailler avec son père. Mais dès son plus jeune âge il fabrique lui-même son appareil photo, fait preuve d’une grande sensibilité à la lumière et aux visages.

Il est aussi habité sans doute d’une grande ouverture d’esprit. Il sait écouter et voir, et s’intègre progressivement, avec beaucoup de bonheur, aux tribus qu’il photographie. Le respect semble avoir été mutuel, ce qui est exceptionnel à l’époque. De part et d’autre, le plus souvent les colons et les tribus se méprisent. Malgré des difficultés d’intégration au départ, Curtis gagne la confiance de ces peuples qui comprennent qu’il oeuvre à la préservation de leur culture. Ils acceptent progressivement que leur transmission s’effectue avec les techniques des colons. Vous avez ci-dessous un exemple de photos que Curtis a pris des diverses tribus Sioux.

Curtis n’a pas seulement été l’auteur de 20 volumes du livre The North American Indian, publié entre 1907 et 1930, encyclopédie qui rassemble environ 2200 photographies (dont 40000 négatifs) de 80 tribus de l’espace nord américain, il les a également filmée et a recueilli quelques 10000 chants.

Outre les ressources que l’on trouve sur internet, il existe aujourd’hui deux publications notables en France. La première est dûe aux éditions Taschen qui sont les seules à proposer pour un prix aussi modique (9,99€) une compilation aussi importante. Malheureusement cette édition n’est plus disponible pour l’instant. La seconde est dûe aux éditions Fetjaine qui proposent des reproductions magnifiques d’une centaine de photos de Curtis.

Un livre aux photographies saisissantes

Un livre aux photographies saisissantes

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