« Marpa le traducteur » par Jacques Bacot

« Marpa le traducteur » par Jacques Bacot

Qui n’a lu Jacques Bacot sait-il à quel point cette fréquentation peut lui faire défaut? Bien sûr il n’est pas question d’en faire un passage obligé. Seulement la mémoire parfois peut réclamer ses dûs, et si Marie-José Lamothe sut magnifiquement faire chanter Milarépa en français, plus d’un demi-siècle avant, Bacot traduit son histoire. Pourtant, il ne sera pas question ici de Milarépa, ses méfaits, ses épreuves, son illumination, mais d’une œuvre postérieure, dont la traduction fut publiée en 1937 chez Paul Geuthner : La vie de Marpa le traducteur. Cette œuvre tibétaine, dont Bacot suppose qu’elle serait du même auteur que celle de Milarépa qu’il traduit quinze ans auparavant, présente le zèle et la profonde humanité du troisième maître de la lignée Kagyu.

Loin du terrible aspect qu’il manifeste dans l’hagiographie de Milarépa, nous rencontrons ici d’abord un jeune homme au tempérament « bien trempé » dont le père disait : « si le caractère de cet enfant tourne bien, quoi qu’il entreprenne, religion ou carrière mondaine, il ira au sommet ; il sera utile à lui-même et aux autres. Si son caractère se développe tel qu’il est, il sera funeste à lui-même et aux autres. A considérer le profit et les risques, il est préférable de le confier tout d’abord à la religion ». Clairvoyante décision d’un père attentif : l’ardeur que met Marpa à l’étude du sanskrit le pousse à partir pour les Indes avec toute sa fortune (importante) en poche pour trouver des porteurs de sciences. Victime de la jalousie d’un autre « chercheur de maîtres » plus soucieux de prestige que de libération, Marpa dut retourner plusieurs fois aux Indes pour enfin rapporter les textes si précieux des derniers maîtres de la tradition tantrique vivante, alors en train de disparaître des Indes et de ses pays limitrophes. En celà Marpa participa activement à la seconde diffusion du bouddhisme au Tibet, traduisant une cinquantaine d’ouvrages.

Nous découvrons également Marpa en père aimant et éploré, assisté par Milarépa tout aussi affligé par la mort de Darmadore. Enfin Marpa apparaît en maître thaumaturge, usant parfois du transfert de conscience. Au final que reste t’il ? Une œuvre brève (dont Bacot à couper de nombreux passages), au style épuré, où le merveilleux côtoie le quotidien d’un homme œuvrant sans retenue pour la compréhension et la transmission du dharma : Marpa, le père, le mari et le maître que désormais la tradition nommera « le traducteur ».

Lapremière tradiction de la vie de Marpa par Jacques Bacot

Une oeuvre à redécouvrir pour mettre en valeur la nouvelle traduction aux éditions Claire Lumière

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