Masculin féminin la grande réconciliation de Valérie Colin-Simard

Masculin féminin la grande réconciliation de Valérie Colin-Simard

J’ai eu la chance grâce à Jérôme Sebben, président de l’association RHRA et organisateur de conférences sur la connaissance de soi et le développement personnel, d’accueillir à la librairie Valérie Colin-Simard à l’occasion de la parution de son dernier livre Masculin féminin la grande réconciliation chez Albin Michel. C’était aussi l’opportunité de m’entretenir avec l’auteur de Quand les femmes s’éveilleront des dernières avancées de sa réflexion sur les relations entre les valeurs du masculin et les valeurs du féminin.

Les réflexions que développent Valérie Colin-Simard sont plus subtiles qu’elles ne le paraissent à première vue. Je m’en suis rapidement rendu compte en partageant mon expérience de lecture avec d’autres personnes qui ne l’avaient pas lu. Lorsque je développais l’argumentation du livre Masculin féminin, je remarquais que mes interlocuteurs avaient tendance à plaquer sur ces explications leurs propres grilles d’analyse, pétries de schémas de pensées qu’ils prêtaient alors à Valérie Colin-Simard. Schémas auxquels ils réagissaient en les affublant d’étiquettes péjoratives et caricaturales. Or ces schémas ne correspondaient pas aux réflexions développées dans le livre.

Il est très important de comprendre en préambule que marquer les valeurs d’un genre masculin ou féminin, ne signifie nullement qu’elles soient incarnées exclusivement par l’un ou l’autre sexe. Lorsque Valérie Colin-Simard explique que l’être, l’intuition, l’intériorité, le sens du lien ou l’obéissance sont des valeurs du féminin, cela ne signifie nullement que seules les femmes sont en mesure de les faire vivre ou de les incarner. Cela signifie que ces valeurs relèvent pourrait-on dire du féminin sacré comme dans le taoïsme, le principe yin se meut conjointement au principe yan. Si être une femme prédispose sans doute à incarner plus facilement ces valeurs, cela ne signifie nullement que les hommes en soient dépourvus, et encore moins qu’ils seraient moins aptes que les femmes à les faire vivre. Et la réciproque est vrai. Le féminisme qui a énormément œuvré pour l’émancipation des femmes dans nos sociétés occidentales, a permis aux femmes de faire vivre en elles, et légitimement, les valeurs du masculin.

Aussi tout le propos de Masculin féminin la grande réconciliation, qui contrairement à Quand les femmes s’éveilleront, ne s’adresse plus prioritairement aux femmes mais à tous les publics, tout le propos du livre donc consiste à revaloriser aujourd’hui les valeurs du féminin. Non pas pour qu’elles supplantent celles du masculin, mais pour qu’elles s’équilibrent, qu’elles s’ajustent. Selon Valérie Colin-Simard, c’est du déséquilibre entre les valeurs du masculin et du féminin que souffrent non seulement notre société mais également plus globalement notre humanité, notamment dans ses rapports avec la biosphère.

Mais le livre, bien qu’il puisse par moment présenter de si vastes ambitions, demeure avant tout un livre de témoignages et d’analyses pragmatiques visant à changer notre rapport avec ces valeurs féminines que nous portons et que parfois nous méprisons. Si le mot paraît fort, le mépris étant le fait de n’accorder aucune valeur à un sujet, il n’en demeure pas moins que les valeurs du féminin subissent parfois ce genre d’extrême dévalorisation, surtout (et c’est objet principal de la seconde partie du livre) dans le monde du travail.

Valérie Colin-Simard nous dit que la survalorisation de l’action, du faire, de la compétition, de l’intellect, de la rigidité, toutes ces valeurs essentielles et nécessaires du masculin (du masculin sacré pour reprendre une terminologie employée plus haut), nous conduisent tout droit dans le mur. Et ce dans tous les domaines et à toutes les échelles, que ce soit dans notre vie personnelle et affective, dans notre vie professionnelle, à l’échelle des régulations sociales et encore une fois à l’échelle des relations que notre humanité entretient avec la biosphère.

Pour étayer ses analyses, Valérie Colin-Simard replonge dans notre histoire. Elle nous dit que l’homme a longtemps vécu dans un régime matriarcal. Elle écrit : « Les archéologues ont retrouvé de nombreuses statuettes de femmes à l’allure hiératique, imposante, représentée avec des ventres et des seins énormes. La plus ancienne, sculptée en ivoire de mammouth, remonte à plus de trente-cinq mille ans. A cette époque, la population est rare, la vie est donc sacrée. Il est probable que, dans leur prière, les êtres humains invoquent non pas « notre père qui êtes aux cieux », mais « notre mère la Terre ». A cette époque Dieu est une femme. » (pp. 22-23).

Avec la prise de conscience du rôle de l’homme dans la procréation et avec la domestication du cheval qui permettent aux humains de se déplacer rapidement sur de longues distances, les valeurs du masculin, jusque là dévalorisées, deviennent vitales. Valérie Colin-Simard écrit : « Partout au culte de la Déesse-mère se substitue peu à peu le culte du Dieu-père. En près d’un millénaire, Brahmâ, Yahvé, Zeus et Jupiter relèguent les déesses à un rang subalterne. Les prêtresses sont chassées des temples. Au profit des prêtres. Si l’on en croit les récits relatés par la mythologie, ces changements s’opèrent au prix de grandes violences. Le processus, s’il est universel, s’accomplit à des dates différentes selon les pays concernés. C’est la naissance du Patriarcat. Nous sommes entre -3000 et -1300 avant J.-C. » (p. 30)

Cette transition du matriarcat au patriarcat ne s’est pas effectuée sans heurs. L’auteur nous dit : « Ce qui, à ma connaissance, n’a jamais été mis en relief jusque là, ce sont les abus de pouvoir dont les femmes du milieu du Néolithique firent preuve envers les hommes » (p. 58)

Valérie Colin-Simard ne nous raconte pas cette histoire pour le seul plaisir de l’érudition. Elle le fait principalement pour nous libérer de conditionnements inconscients. Elle écrit : « Je fais l’hypothèse que, par-delà nos histoires individuelles, familiales ou même parfois transgénérationnelles, cette mémoire archaïque universelle se réactualise souvent ici et maintenant, chaque jour, de façon souterraine, inconsciente, de mille et une manières différentes, dans nos vies personnelles, amoureuses, comme dans nos vies professionnelles » (p. 60). Puis elle ajoute : « Alors pourquoi aller réveiller ces ombres et ces vieux démons ? Parce que les nommer, c’est contribuer à les apaiser. Les accepter, c’est s’accepter. Et mieux s’aimer. » (p. 65). Pour conclure quelques pages après qu’« il n’est pas nécessaire qu’un besoin soit satisfait, il a seulement besoin d’être reconnu, cela suffit à apporter un apaisement. » (p. 72).

Dans d’autres développements, Valérie Colin-Simard aborde la neurologie et les fonctions des deux hémisphères cérébrales. Elle écrit : « La grande spécificité du cerveau gauche est le langage. Son rôle est de traduire en mots nos sensations et nos perceptions. […] Sa deuxième spécificité : savoir dire non, contrairement au cerveau droit. […] Sa troisième spécificité : la spécialisation. Il s’intéresse aux détails. […] L’arbre lui cache souvent la forêt. » (pp. 110-111). Elle ajoute : « Le cerveau droit, lui, a trois particularités. La première, c’est qu’il voit d’emblée l’ensemble des éléments d’une figure ou d’une situation et lui donne du sens. […] Deuxième particularité : notre cerveau droit est capable, contrairement au cerveau gauche, de percevoir les émotions. […] Troisième particularité : il sait seulement dire oui. […] Le cerveau droit vit dans l’instant présent. » (pp. 112-113)

Fort de ces éclairages théoriques, la seconde partie du livre aborde le domaine professionnel, dans lequel Valérie Colin-Simard exerce en tant que coach. Elle écrit : « Comme Laetitia au tout début de ce programme de coaching, nous pouvons nous considérer comme des victimes. C’est la manière de réagir la plus fréquente. […] Deuxième possibilité : la révolte. […] Nous sommes alors dans la lutte et la revendication. […] Entre ces deux extrêmes de la victime et de la guerrière, il existe une troisième voie : celle de la femme vraie, vivante. Si elle est puissante, ce n’est pas la plus facile. Elle nous oblige à changer de système de pensée. » (pp. 194-195)

Au travers de nombreux témoignages, elle donne quelques valeurs du féminin, qui, associées aux autres valeurs du masculin, souvent prépondérantes dans nos entreprises, permettent d’assurer un leadership de qualité. Elle écrit : « Je vous invite à décrypter […] sept exemples de valeurs du féminin devenues indispensables pour orienter les décisions du leader de demain, son style de management. Sept clés d’un leadership réussi. […] Avertissement : seules, ces valeurs du féminin se révèleraient inefficaces ; si elles sont en excès, elles peuvent aussi se révéler nocives. C’est seulement en alliance avec les valeurs du masculin qu’elle génèrent la réussite. […]

  1. Donner du sens […]
  2. Créer du lien […]
  3. S’arrimer au concret […]
  4. Oser l’égalité […]
  5. Equilibrer vie privée et vis professionnelle […]
  6. Choisir l’humilité […]
  7. Respecter ses émotions. » (pp. 213-232)

La dernière partie du livre est une exploration passionnante du sens de la crise qui a débutée en 2007-2008 à l’aune des valeurs du masculin et de celles du féminin. Elle écrit : « La plupart d’entre nous croient encore que la monnaie est créée par l’Etat. Nous venons de voir qu’il n’en est rien. Or interdire au principe masculin qu’est l’Etat d’emprunter directement auprès du principe féminin qu’est sa banque centrale (qui, je le rappelle, lui appartient), c’est, sur le plan symbolique, comme si l’on interdisait au principe masculin qu’est le ciel de pleuvoir et qu’il devenait obligatoire d’acheter le principe féminin qu’est l’eau de pluie à des marchands pour abreuver la terre. C’est lui interdire de créer sa propre monnaie. Lui « couper les couilles » ? Pardon, mais si le mot est vulgaire, la métaphore me semble appropriée. Le principe masculin est alors séparé de son principe féminin. Aujourd’hui en France comme dans la plupart des pays occidentaux, le principe masculin qu’est l’Etat est séparé de son principe féminin, incarné par la Banque de France. Il est privé de son pouvoir d’émission monétaire. Il y a déséquilibre » (p. 266).

Au final, Valérie Colin-Simard m’a emmené dans un voyage passionnant. J’ai particulièrement apprécié le fait que, toutes mes anticipations ont été déjouées. Alors que j’esquissais en cours de lecture une critique sur le découpage des valeurs que je trouvais bien arrangeant à l’égard du féminin, je réalisais se faisant que je ne comprenais pas vraiment ce qu’elle exprimait. Je plaquais sur le texte un « fantasme analytique » soustrayant l’originalité du point de vue développé par l’auteur. Idem pour le final du livre sur les causes de la crise, alors que je m’attendais à un ultime plaidoyer en faveur des valeurs du féminin, Valérie Colin-Simard range la finance et sa fluidité du coté des valeurs du féminin insistant sur ce qui finalement constitue le cœur du livre : le nécessaire ajustement des valeurs du masculin et du féminin au cœur de notre être, au cœur de nos relations intimes, familiales et professionnelles, au cœur de notre couple, au cœur de nos amours, de notre éducation, de nos institutions, de notre rapport à l’argent, à la nature. De tous ces ajustements nous pourrions bien renaître à une nouvelle vie ou chaque phénomène se manifeste comme la célébration d’une union.

Notre entretien à la librairie


Rencontre avec Valérie Colin-Simard par ivresseslivresques

Masculin féminin la grande réconciliation

L'équilibre des valeurs au service de la vie

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