Introduction à l’écologie humaine de Michel Lamy

Introduction à l’écologie humaine de Michel Lamy

Introduction à l’écologie humaine de Michel Lamy présente un profil identique à plusieurs livres dont j’ai souhaité vous faire partager la lecture dans nos précédentes rencontres. Trop méconnu, ce livre est une synthèse de nombreux domaines habituellement abordés séparément. A-t-on en effet coutume, lorsque l’on s’intéresse à l’humain et à ses rapports avec son environnement, de présenter à la fois des disciplines comme la microbiologie, l’histoire du vivant, la préhistoire, l’écologie, l’urbanisme ou bien l’économie. Michel Lamy embrasse ces différents regards avec la rigueur du scientifique et l’amour du passeur de savoirs. Animé du souci de transmettre les notions essentielles de ces disciplines sans rien sacrifier à l’originalité de son point de vue, le lecteur oscille entre apprentissage primordial, comme lorsqu’on aborde un sujet pour la première fois, et découverte des intuitions les plus novatrices.

Ainsi Michel Lamy relève la gageure de nous plonger dans une aventure intellectuelle rare: le plaisir d’apprendre avec le regard neuf d’un enfant et l’expertise d’un homme aguerri. En lisant ce livre, j’ai beaucoup apprécié de vivre conjointement l’émerveillement de la découverte, l’humilité de celui qui découvre et apprend, l’assurance de celui qui s’appuie sur son expérience pour valider des énoncés parfois audacieux, et la surprise des intuitions qui affleurent à la conscience comme autant de langages émergents.

Tout naturellement, ce livre de Lamy est donc venu s’inscrire dans la thématique de « Vivre hors les murs ». C’est de décloisonnement des disciplines dont il est question ici vous l’aurez compris. Plus qu’une synthèse aride, Introduction à l’écologie humaine est avant tout un livre d’amour, mieux un livre où toutes ces disciplines seraient comme transfigurées par l’étreinte qui les rassemble. J’ai donc été séduit par les rappels des principales notions d’écologie qui introduisent la réflexion. Circulation de matières et d’énergie au cœur des écosystèmes, fonctions de réservoirs des grands ensembles qui composent la biosphère comme l’atmosphère, la lithosphère, l’hydrosphère, rappel de la notion de biodiversité, tout ici résonne hors du joug d’une aridité érudite. Ces notions surfent sur une érotique du savoir. Chaque apprentissage se présente comme un premier rendez-vous, avec les émois qu’il suscite, fort d’une bienfaisante vulnérabilité.

Puis survient l’incroyable inscription de l’histoire de l’homme dans celle de la vie depuis son apparition. Réaliser cette histoire, l’intégrer intellectuellement, entrer en résonance viscérale avec les ressentis archaïques et subtils qu’elle évoque, offre une densité inhabituelle à notre quotidien. De la même façon que certaines révélations de la psychogénéalogie peuvent donner le vertige en éclairant d’un jour radicalement nouveau certains de nos comportements, certaines angoisses, des souffrances qui nous traversent dont nous héritons d’ancêtres plus ou moins proches, notre inscription dans l’histoire du flux des formes vivantes est fascinante et éclairante à la fois pour la suite des réflexions que Michel Lamy développe. La vie est née entre 3,5 et 4,5 milliards d’années, le passage des unicellulaires aux pluricellulaires se produit il y a 1 milliard d’années (peut-être un peu plus), alors que l’hominisation apparaît il y a 0,06 milliard d’années (60 millions d’années) et l’homme moderne il y a 0,0001 milliard d’années (100000 ans). La sédentarisation qui se produit au néolithique (0,00001 milliard d’années, 10000 ans) accélère l’anthropisation de notre environnement avec une des conséquences les plus préoccupantes aujourd’hui: la pression démographique.

Lorsque Lamy introduit la seconde partie de son livre, il développe encore un point de vue très original en définissant les enveloppes écologiques qui définissent l’environnement humain. Certaines enveloppes sont individuelles (peau, vêtements etc…), d’autres sont sociales (maisons, villages et mégapoles), d’autres sont globales (eau, atmosphère, lithosphère). Ici la frontière si souvent développée entre le naturel et le culturel s’estompe, comme si la culture était un produit de notre aventure en tant que forme vivante particulière, sans que cette culture bien qu’unique en tant que forme humaine, ne l’était pas en tant que développement des potentialités d’autres formes de vie complexe (chez les primates, chez certains cétacés etc…). Ici nous sommes proche des analyses d’Edgar Morin pour ne citer qu’un exemple.

Enfin le livre se conclue sur une réflexion prospective à travers les cinq défis que l’humanité devra relever pour être en mesure de vivre encore harmonieusement avec son environnement direct et plus généralement avec la biosphère, substrat de toutes nos actions. Sans entrer dans le détail du diagnostic de Lamy, celui-ci aborde le défi démographique déjà évoqué plus haut, le défi alimentaire, le défi énergétique, le défi consumériste et enfin le défi économique. Indéniablement, je suis sorti métamorphosé de cette lecture par le point de vue très original que Michel Lamy m’a fait partager, mais également par la clarté de son exposé agrémenté de nombreuses illustrations, et enfin, peut-être le plus important au regard de la thématique de ce mois-ci, par sa capacité à embrasser un ensemble de disciplines souvent séparées.

 

Introduction à l'écologie humaine de Michel Lamy

L'étreinte d'un savoir libérateur parce que comprendre c'est agir avec discernement

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